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La remise en cause de l’existence d’une section syndicale lors d’une action en contestation des élections professionnelles d’un syndicat

Est-ce qu’un employeur peut contester l’existence d’une section syndicale au sein de l’entreprise, à l’occasion d’un litige relatif à l’invitation des organisations syndicales à la négociation du protocole préélectoral, alors qu’il ne l’avait jamais fait jusque-là ?

C’est la question qui était posée à la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 décembre 2021.

La réponse était d’importance, puisqu’elle avait un impact sur la validité même des élections professionnelles organisées.

1. Les faits

Dans le cas d’espèce, une entreprise avait organisé ses élections professionnelles à la fin de l’année 2019.

Après avoir invité les organisations syndicales à venir négocier le protocole préélectoral, aucune de ces dernières ne s’étaient rendues à la réunion.

Conformément aux dispositions légales et réglementaires, l’employeur avait donc organisé seul les modalités du scrutin, qui s’est tenu en début d’année 2020.

A l’issue des deux tours, il a été établi un Procès-Verbal de carence.

2. Le recours et les arguments du syndicat et de l’employeur

Dans le délai de 15 jours suivant la proclamation du résultat du 2ème tour, le syndicat ALLIANCE OUVRIERE a saisi le Tribunal Judiciaire de Paris pour contester les élections professionnelles, puisqu’il n’avait pas été invité à la réunion de négociation du protocole préélectoral.

En effet, ce syndicat avait informé en 2018 l’employeur de la création d’une section syndicale au sein de l’entreprise.

Or, selon le Code du travail, les organisations syndicales ayant, notamment, constituées une section syndicale dans l’entreprise doivent impérativement être invitées par courrier à négocier le protocole préélectoral, et à présenter ses listes de candidature (article L. 2314-5 du Code du travail).

A défaut de l’invitation de l’ensemble de ces organisations syndicales, la nullité des élections professionnelles est encourue.

Manifestement, l’employeur avait complètement oublié l’existence de cette section syndicale (qui ne devait d’ailleurs pas être très proactive…), et encourait donc la nullité des élections professionnelles, qu’il devait recommencer depuis le début.

Pour tenter de sauver ses élections, l’employeur a remis en question l’existence même de la section syndicale, affirmant que la section syndicale avait moins de deux adhérents au sein de l’entreprise.

En effet, pour qu’une section syndicale soit constituée au sein de l’entreprise, elle doit avoir, entre autre, plusieurs adhérents (article L. 2142-1 du Code du travail).

A défaut, son existence peut être remise en cause, et donc, dans ce cas, l’employeur n’avait plus à inviter l’organisation syndicale.

3. Un premier jugement du Tribunal Judiciaire de Paris favorable au syndicat :

Le Tribunal Judiciaire de Paris a rejeté l’argumentation de l’employeur, en retenant que ce dernier :

  • avait eu connaissance de l’existence de la section syndicale en 2018, par courrier recommandé ;
  • et n’avait jamais contesté l’existence ou le maintien de la section syndicale.

Dès lors, le Tribunal Judiciaire a considéré que l’employeur ne pouvait pas remettre en question l’existence de la section syndicale lors de cette instance, et aurait dû inviter par courrier ALLIANCE OUVRIERE à la négociation.

Le résultat des élections professionnelles devait donc être annulé, pour défaut d’invitation à la négociation du protocole préélectoral du syndicat ALLIANCE OUVRIERE.

4. La décision de la Chambre Sociale de la Cour de cassation et ses effets :

L’employeur, en désaccord avec le raisonnement du Tribunal Judiciaire, a formé un pourvoi en cassation.

Bien lui en a pris, puisque la Chambre sociale de la Cour de cassation lui a donné raison.

Pour la juridiction suprême, l’employeur pouvait tout à fait remettre en question l’existence d’une section syndicale à l’occasion d’un litige relatif à l’invitation des organisations syndicales à la négociation du protocole d’accord préélectoral.

Dès lors, c’est à l’organisation syndicale de justifier que la section syndicale qu’elle avait constituée comportait au moins deux adhérents à la date de l’invitation à la négociation du protocole d’accord préélectoral.

Le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris est donc cassé, et l’affaire est appelée à être rejugée devant les juridictions du fond (Cass. Soc., 8 décembre 2021, n°20-16.696).

Le syndicat ALLIANCE OUVRIERE devra donc justifier qu’elle avant, à la date de l’invitation à la réunion du protocole, au moins 2 adhérents au sein de l’entreprise.

A défaut, l’existence de la section syndicale sera remise en cause par le Tribunal Judiciaire, et le résultat des élections professionnelles validé.

En synthèse, et pour éviter une telle affaire, qui a surement été chronophage pour l’employeur, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un professionnel lors de l’organisation de vos élections professionnelles.

Le Cabinet CHAIX AVOCAT est à votre disposition !

Tristan CHAIX

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